Tangente: The Daughters of Quiet Mind 

et Topo


       La semaine dernière, Tangente a présenté deux chorégraphies aux thèmes fortement convergents:
The Daughters of Quiet Mind (à l'origine un duo, mais par la force des choses une performance de la seule Myriam Arseneault Gagnon... plus donc The Daughter of Quiet Mind) et Topo , deux pièces au formalisme exacerbé et, à la limite, bousculant.

       The Daughters of Quiet Mind, une création du collectif Anavolodine, avec Myriam Arseneault Gagnon et Laurence Lapierre à la chorégraphie, Myriam Arseneault Gagnon à l'interprétation, Jonathan Goulet à la conception sonore et Hugo Dalphond à la conception des éclairages. Sur scène, des bâches rectangulaires, empilées les unes sur les autres. Créant/délimitant un espace, un arène lumineux, une cage horizontale. Au-dessus, un long LED, orienté de manière à couper l'arène en deux. 


       Puis, l'interprète s'avance, plonge littéralement dans les bâches, tend les bras vers l'éclairage presque à portée de main. Elle s'immergera bientôt dans les bâches, s'en servira presque que comme des couvertures, des boucliers la protégeant. Contrairement aux photos accompagnant cet article, les bâches ne sont pas en tissu, mais bien en toile plastique semi-rigide. Toute cette manipulation est donc hautement sonore. Avec l'accompagnement sonore minimal conçu avec brio par Jonathan Goulet, on assiste quasiment à l'éclosion d'un papillon depuis un cocon de chrysalide. 


       Bien entendu, cette chorégraphie a pris une forme spécifique due à la blessure de Laurence Lapierre, prévenant sa participation en tant qu'interprète. Il aurait été certes intéressant de voir et constater le formalisme d'un duo sur ces thèmes. La cohabitation de deux interprètes sur ces bâches. Probablement que tout l'aspect d'émergence d'une chrysalide aurait disparu. Mais ce solo a permis d'explorer tout de même cet aspect d'une naissance, de l'émergence d'un être, d'un bris de la barrière séparant le corps imaginaire, fictif, du réel. Une belle prestation, quoiqu'un tantinet courte.


       Puis, vint Topo , d'Ariane Dessaulles. Quatre interprèes (Ariane Dubé-Lavigne, Laurence Dufour, Kim L. Rouchdy, Jeimy Oviedo), et une kyrielle de collaborateurs... Quatre interprètes, une immense équipe, un formalisme exacerbé et opaque, un décor minimaliste (avec des éléments scéniques mal, voire peu utilisés)... avec ces photos "officielles" à des lieux de la chorégraphie... bref, on sort dérouté d'un tel fouillis conceptuel, où la tête de la bête semble ignorer ce que les extrémités ont concocté... 


       Est-ce l'apanage d'une trop grande équipe, ou d'un manque de direction découlant d'un manque de leadership? Ce spectacle à fort potentiel aurait besoin d'un travail, d'une recherche encore plus poussée côté forme et exploitation des diverses possibilités découlant de toute cette richesse créative. Pourquoi se limiter, par exemple, à une projection vidéo sur l'unique mur du fond? Sommes-nous encore dans les années 70? Si la Sociatas Raffaello Sanzio parvient, du fin fond de l'Italie, à utiliser tout l'espace scénique, à créer une boîte où s'articule la vie des interprètes, pourquoi ne pas pousser la recherche et créer un espace immersif total? Même chose pour l'éclairage, où, par exemple, à un moment crucial de la chorégraphie, deux interprètes se meuvent près d'un projecteur situé au sol. Le cône d'ombres projeté sur le mur opposé aurait dû servir... comment peut-on laisser pareil potentiel en plan et ne pas l'utiliser? 

       
       Je parais critique et négatif, mais c'est tout le contraire. Ce spectacle, cette troupe, possèdent un fort potentiel. Ariane Dessaulles a su concevoir une pièce au formalisme quasi pur, alliant chorégraphie, sculpture/art visual, conception sonore, conception vidéo. Je ne sais si c'est par manque de moyens ou de temps, mais je serais curieux de revoir cette pièce, mais retravaillée en profondeur, une mouture qui découlerait d'une myriade d'essais et d'explorations. Une scène épurée (car à quoi servent vraiment ces bâtons délimitant l'espace mais somme toute inutiles à la trame chorégraphique, devenant plus des obstacles à éviter que des éléments scéniques incorporés aux mouvements?), une projection en trois dimensions (un quadrillage laser? Est-ce trop exiger financièrement?), la formation d'une boîte concrète, l'utilisation de vapeur mais intensifiée, décuplée? J'ose espérer qu'au nombre de collaborateurs présents derrière la scène, une direction solide émergera et mènera ce navire à bon port.

       Environnement imaginé? Environnement maximalement exploité? En dépit des quatre interprètes sur scène, une vacuité s'installe vite. Comblée en partie par l'environnement sonore... Un spectacle qui laisse présager un Gesamtkunswerk comme seule Tangente Danse laisse croître en ces murs. On approche ici de la profondeur, de l'abysse de l'âme. Elle est latente, à portée d'atteinte, perceptible et à portée d'effort. Je prie (résultante de la béatitude émanant de Sainte Sarah Dell'Ava et de son Or mystique) que cette incarnation de Topo ne marque pas la fin du processus créatif derrière cette chorégraphie, mais bien l'amorce d'un processus qui mènera à une apothéose ultime!

Crédit photos:  

The Daughters of Quiet Mind: © Calope
Topo: © Marie-Eve Dion

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