BIS (Brut-Informel-Singulier)

exposition de Béatrice Raimbault

La tragédie du deuil


par Luc Archambault


          Le CAP (Centre d’Apprentissage Parallèle, sis au 4865 St-Laurent, Montréal) couvre ses murs des créations de Béatrice Raimbault, du 20 février au 29 mars 2019. Cette exposition, intitulée « BIS - Brut-Informel-Singulier », présente la production de cette peintre d’une sensibilité extraordinaire, qui a précédé et suivi le décès de son fils Adrien en 2013. 

Impulsion créatrice

         « Peindre, c’est plonger dans la noirceur tête première », dit-elle lors d’une visite de son atelier. Née en France, elle avoue peindre depuis toujours, mais sans prétention sérieuse initiale. Ce n’est qu’une fois de ce côté de l’Atlantique, à 39 ans qu’elle s’inscrit à un cours d’art. D’où sortira «le» dessin qui déclenchera le tout, inclus dans cette exposition (« Impulsion créatrice »). 

Béatrice Raimbault


Où es-tu, Adrien?

Où es-tu, Adrien (détail)
Où es-tu, Adrien (détail)
         Elle ne l’aura pas eu facile dans cette incarnation. Cherchant à « trouver le formel dans l'informel », sa quête artistique prend ses sources dans une souffrance profonde. Un cancer de la thyroïde, la perte de son fils et moult drames familiaux, une résilience sans borne, ces écueils auront permis de donner un sens à sa recherche iconographique, des « visions d’enfer issues de ces tragédies ». Tout en alimentant un positivisme à toute épreuve. Son geste créatif s’effectue sans réflexion, sans prémonition ; elle navigue sur un océan de doute permanent. Pour elle, ses toiles immortalisent l’instant du doute, dans lequel elle puise un mode de confiance, toute la force du laisser-aller.

Les pépiements de joie

Les pépiements de joie (détail)


Les pépiements de joie (détail)

         Elle avoue d’emblée éprouver de moins en moins de peur face à la noirceur de ses créations. « J’assume pleinement cette noirceur ; cette émotion négative, je l’épouse, je l’accepte et je la fixe sur la toile. Il ne me faut qu’ajouter par la suite des détails plus ou moins subtils pour que les spectateurs comprennent mavraie souffrance. Peindre est un plongeon dans les ténêbres, mais aussi dans un inconnu fascinant ». Elle ne cherche pas à produire des toiles « commerciales », mais plutôt à entrer en dialogue, à partager une intimité. Elle avance même se faire violence pour éviter tout esthétisme.

Indifférence


         Les formes et les envolées picturales transmises dans cet article ne représentent pas les formes pénultièmes de ces toiles. Car elle retouchera celles-ci jusqu’à la toute dernière minute. Où trouve-t-elle le plaisir dans pareille création ? Celui-ci découle de l’outre-passement du doute. Elle y puise une sorte d’extase mystique face à la surprise de cette improvisation. « Je me surprend moi-même. Cet instant de découverte me plonge dans une extase inimaginable. Et je n’y suis pas seule, puisque j’y rejoins l’âme de mon fils ». 

Isolement

         Le Centre d'Apprentissage Parallèle de Montréal a pour mission d'accompagner des personnes présentant des difficultés émotionnelles et psychologiques et faciliter leur processus de croissance vers une intégration sociale et/ou professionnelle. C’est ainsi qu’il offre à des artistes ses murs pour des expositions qui témoignent d’un cheminement qui pourra inspirer ses participants tout comme la population en général. Béatrice Raimbault aura su, par sa sensibilité et son opiniâtreté, toucher la direction du CAP et imposer son art comme un incontournable en cette galerie hors-norme.

Moment quiet - Souvenirs de Bretagne

          Le vernissage de cette exposition se tiendra le mercredi 20 février de 17:30 à 20:30, en présence de l’artiste. Inspirante, Béatrice Raimbault saura toucher votre cœur par sa vision profonde et sacrée du deuil. À ne pas manquer.



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